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Relance du train : Nostalgiques, des Thièssois attendent avec impatience

Dans la ville de Thiès, les habitants souhaitent la reprise de la ligne ferroviaire. Ce souhait repose plus sur des arguments socio-économiques. Pendant que les personnes âgées clament leur nostalgie, les plus jeunes s’impatientent de découvrir le sifflement d’un train que les politiques, aussi, souhaitent relancer à tout prix.

Près du terrain de football de la Cité ouvrière, un quartier jeune, habité majoritairement par des cheminots et situé dans la périphérie de la Ville de Thiès, au mini-garage des taxi et moto cycle, conducteurs et « coacheurs » sont installés sur des bancs de fortune débattant sur l’actualité sous l’ombre des acacias. En cette matinée, vers 11h, le temps n’y est pas clément. En effet, sous un soleil ardent, le vent fort soulève la poussière qui entache tout ce qui est exposé dehors et met mal à l’aise les passants, malgré le port de masque de la plupart d’entre eux.  

Cependant, la question du chemin de fer intéresse bon nombre d’habitants de Thiès. D’autant plus que c’est à travers « Bén deuk, niaari gaar » (Ndlr : la ville aux deux gares) que les habitants de Thiès, une ville située à 70 km de Dakar, aiment se faire appeler. Et ce, depuis des décennies. Cette réputation est dû à la place qu’occupait la ville dans le transport ferroviaire du Sénégal, avec, particulièrement, sa position de carrefour d’où se relaient toutes les lignes de trains.

Mais depuis plus d’une décennie, le train ne siffle plus, comme avant, dans le Kajoor. Et les jeunes Thièsois souhaitent découvrir ce qui constitue une gloire pour les plus anciens et un mythe pour eux. A l’ombre du garage précité, se tient debout une demoiselle à la forme athlétique, teint noir, la taille moyenne. Sa chemise aux manches courtes et de couleur grise est assortie d’un jean bleu, le foulard noir attaché sur la tête. Elle s’appelle Mbéngué et attend le conducteur pour embarquer. Selon elle, la reprise du trafic ferroviaire allait combler sa curiosité. « Ce serait vraiment une bonne chose pour nous, Thièsois, ainsi que pour tout le pays », affirme-t-elle avant de poursuivre : « Je rêve de ce jour », confie-t-elle tout sourire.

Soif de découverte

Cette soif de découverte est particulièrement partagée chez les jeunes.  Aux alentours de l’emblématique Place de France, pendant que certains moto-taximans se disputent la route avec les chauffeurs, d’autres sont garés sur le bord de la route, attendant les clients. Entre l’hôtel de ville et la station Totale, une dizaine de jeunes motocyclistes sont installés sur ou à coté de leurs engins discutant. Assis sur la sienne, avec le pieds droit comme appui sur le bord de la route, Cheikh, environ la vingtaine, s’est bien préparé contre le vent avec notamment son pull-over, sa casquette ainsi que des lunettes noires. « J’aimerais vraiment que la ligne ferroviaire soit relancée », dit-il avant de poursuivre : « des jeunes comme nous, jakartamen, pourrons obtenir de l’emploi ».

Son avis est aussi partagé par les plus âgés. Pape Omar Diop est un quinquagénaire au reagrd vif, sans réelle acuité lui donnant un air simplet quand il sourit d'un lobe à l'autre. Il fait du sport avec son vélo. Tout de bleu vêtu, il sort de la boutique avec sa bouteille d’eau. « J’ai la nostalgie du train qui siffle. Il nous servait d’horloge », lance-t-il avant de poursuivre : « Au point du vue économique, tu sentais que Thiès vivait. La ville était tout le temps animée ».

 Les candidats à l'élection présidentielle, de leur côté, ne manquent pas de plans pour rentabiliser le réseau ferroviaire national. En effet, que ce soit un atout économique ou rendre à Thiès son lustre d’autan, les idées et les promesses ne manquent pas. Surtout en cette période pré-électorale. Mais après des semaines de tentatives d'entrée en contact, la plupart des représentants des coalitions en lice pour la présidentielle n’ont pas voulu réagir par rapport à nos sollicitations. 

Relancer… les activités

Joint au téléphone, Babacar Gaye, membre du pole programme de Parti de l’unité et du aassemblement (Pur), précise que le candidat Aliou Mamadou Dia compte « relancer carrément les activités du chemin de fer qui, non seulement, caractérise la ville de Thiès mais aussi contribue à la libre circulation des biens et services à travers le pays ». D’ailleurs, dans le cadre de leur programme, ils envisagent d’étendre l’impact du train à l’échelle sous régionale avec notamment le plus célèbre trafic : « Dakar-Bamako pour relancer le marché malien ».

Pourtant, la revivification est déjà acté puisque le président sortant, Macky Sall avait annoncé, lors d’un conseil des ministres décentralisé datant du 09 février 2023, « l’accélération de la relance des chemins de fer (avec le lancement effectif de la réhabilitation de la ligne Dakar- Thiès- Tambacounda) et assurer l’ancrage du hub ferroviaire à Thiès et lancer les études pour l’extension du TER à Thiès et à Mbour ». Ainsi, en janvier 2024, le test de la liaison Thiès-Tamba fut effectué avec le Directeur général de Chemins de fer du Sénégal (Cfs), Malick Ndoye à son bord.

D’ailleurs les employés de Cfs s’en réjouissent. C’est le cas de Babacar Gaye habillé en costume cravate, fils de cheminot et actuel secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs du rail (Sut-rail). « Nous sommes sur la bonne voie de relancer définitivement les activités du train », rassure-t-il dans son bureau difficile d’accès, situé derrière le bâtiment administratif du siège des Chemin de fer du Sénégal de Thiès, dans le quartier Balabèye.

Son collègue et voisin cheminot en retraite, revient sur l’impact des activités ferroviaires dans un avenir proche.  Dans sa tenue traditionnelle en vax, le bonnet bien vissé sur la tête, Baba Diankha, teint clair, la soixantaine nous a accueilli, de nuit, dans une maison bien entretenu avec un jardin garni de fleurs. « Je m’attends à un accroissement du volume d’emploi à Thiès qui est une ville stratégique dans les activités du rail ».

Contactée, l’actuelle équipe municipale de la ville de Thiès n’a pas donné suite à nos sollicitations pour s’exprimer sur la question. Mais les Thièsois autant que les Sénégalais attendent avec impatience le redémarrage des activités du train.

Publié

Journaliste sénégalais titulaire du diplôme en journalisme et communication au Cesti, j'ai débuté ma carrière, en tant qu'étudiant, au quotidien Le Soleil, en 2022. Mes productions m'ont valu, cinq mois plus tard, de remporter le 3ème prix du meilleur reportage catégorie Étudiant, décerné par la Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS). Je m'intéresse principalement à l'économie, à la culture, à l'environnement et au sport. Veuillez me suivre sur les réseaux sociaux.

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